CHRONIQUES

TRIBUNE DU VENDREDI N°92 : UN AUREVOIR À SEYDINA MAME ALASSANE IBN SEYDINA ABABACAR LAHI

today12 août 2022 409 1 3

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Un aurevoir à Seydina Mame Alassane Ibn Seydina Ababacar Lahi

Le cadet des petits-fils de Seydina Limamou Lahi (asws), Seydina Mame Alassane Lahi vient, hélas, de s’éteindre dans l’après-midi de ce 8 aout 2022 coïncidant à la Tamkharite de l’an 1444 de l’hégire.

Fils cadet de Seydina Ababacar Lahi ibn Seydina Limamou Lahi (asws) et de Sokhna Fatou Lo Diop bintou Mame Babacar Diop (premier Imam de la mosquée de Yoff Layène), « Mame Ala », comme tous l’appelaient affectueusement, naquit à la fin de la vie de son illustre père en 1966. Il vécut donc très peu de temps avec son père, Mame Babacar Lahi, mais hérita tout de même des traits de caractère que celui-ci avait reçus du Saint-Maître Seydina Limamou Lahi (asws). D’ailleurs, parlant de ce fait, El Hadji Mouhamadou Sakhir affichait toute sa nostalgie dans le « Marsiya » qu’il composa à la suite de la disparition de Seydina Ababacar Lahi :

Fu nuy xooleeti Baay Laay ciw meloom ak

Doxin waak, wax ju xumba ja, nir wa dem na

À travers ces vers, l’auteur nous renseigne que Seydina Ababacar Lahi était le portrait craché de son père (asws), tout en précisant qu’ils partageaient le même physique, la même démarche et le même timbre de voix. De la même manière que la voix du Saint-Maître (asws) résonnait de partout quand il s’exprimait, de la même manière celle de Mame Babacar Lahi faisait des échos audibles d’est en ouest et du nord au sud, sa voix. Les anciens de la communauté qui avaient vécu avec Mame Mbaye, voyaient tous ces points en Mame Alassane. C’est pourquoi, malgré son jeune âge ils lui vouaient tous un grand respect en souvenir de son père. Après ses études coraniques puis secondaires en langue arabe, à Yoff, Mame Alassane avait voyagé en Mauritanie pour enrichir son savoir tout juste avant la disparition de son frère, le troisième Khalif El Hadji Seydina Issa Lahi. Il rentra au bercail quelques temps avant les tragiques événements de la crise sénégalo-mauritanienne de 1989. Ses camarades étudiants de l’époque rapportent que quelques jours avant la crise, Mame Alassane, âgé d’une vingtaine d’année, insista pour rentrer, sans doute « informé » des troubles imminentes entre les deux pays frontaliers.

À son retour à Yoff, Mame Alassane s’attela à faire vivre la sunna de son grand-père. Tous les fidèles peuvent témoigner qu’il était très à cheval sur les enseignements de Seydina Limamou Lahi (asws) et ne tolérait aucune déviation, aucun manquement ni de la part des fidèles ni de la part même des membres de la famille du Saint-Maître (asws). D’ailleurs, il était plus sévère avec ces derniers. Moi-même, je me rappelle qu’un jour en compagnie du président Iba Faye ibn Baye Seydi Thiaw nous sommes allés lui rendre visite pour lui faire un compte rendu des activités de Vision 129. À notre arrivée, il ne cessait de me fixer du regard sans que je ne comprenne la raison. Après que Iba Faye avait fini de lui expliquer la situation, il l’avait automatiquement questionné sur mon identité. Et Iba Faye de lui dire : « c’est ton petit-fils, fils de ma grande sœur Sokhna Sadio ». Mame Ala me reprocha de pas venir souvent lui rendre visite. Il salua les « nombreux » efforts de Vision 129 au sein de la communauté. Il avait même dit : « Nous vous remercions et prions pour vous parce que vous ne faites rien sans venir nous consulter et recueillir notre avis et nos prières. Par contre, je ne suis pas d’accord avec cela ». Et il pointa du doigt ma tête, ma chevelure plutôt. À l’époque, j’avais laissé pousser mes cheveux et comme nous étions en plein « nettoiement avant Appel », je n’ai pas pris le soin de les peigner. Il poursuivit : « je ne suis pas contre le fait de faire pousser ses cheveux mais à condition de bien les entretenir et les peigner. Il y a des fidèles qui en vous voyant vous copieront et diront que c’est vous, Ahlou beyti, qui l’avez commencé en premier…».

Son engagement dans la mission de son grand-père se faisait sentir à chacune de ses prises de parole. À l’occasion, il insistait sur les recommandations du Saint-Maître et n’hésitait pas à apostropher et corriger publiquement tout récidiviste. Plusieurs fois en pleine cérémonie religieuse, on l’a vu prendre soudain le micro pour rappeler le message de Seydina Limamou Lahi (asws) tout en sensibilisant sur le danger lié aux nouvelles pratiques que certains commençaient à introduire dans notre communauté. Il insistait aussi toujours pour que la mission prophétique de Seydina Limamou Lahi (asws) ne soit jamais occultée, jamais négociée devant quiconque. Quand son état de santé le lui permettait, Mame Alassane ne manquait jamais aucun événement touchant les fidèles surtout les prières mortuaires. Il prenait le temps, juste après l’enterrement d’aller dans la maison mortuaire pour partager la peine avec les fidèles éplorés.

Il fut un homme de Dieu comme il n’en existe plus beaucoup à notre époque. En effet, Allah l’avait tellement protégé contre les maux de notre époque qu’il ignorait complètement la profondeur de la mutation et de la détérioration de mœurs. À ce propos, un soir, pendant qu’il effectuait ses rondes autour du quartier il avait croisé un couple à quelque cent mètres de chez lui dans une posture assez intime. La femme portant des habits indécents s’enlaçant presque avec son partenaire. Très choqué par une telle image, il n’avait pas manqué de les sermonner sévèrement en leur lançant des « harâm ». Et n’eut été l’intervention de son accompagnant et de quelques passagers l’ayant reconnu, les choses auraient pu mal tourner. Un autre jour, encore, il avait giflé une autre personne tenant une cigarette au même lieu. Il convient de préciser que ces choses étaient formellement interdites dans le périmètre sacré du quartier Layène et donc c’était inimaginable de voir quelqu’un oser transgresser les règles établies.

Dans sa conception quasi-puritaine des choses, Mame Alassane pensait que ces actes répréhensibles selon la doctrine Ahloulahi étaient juste exceptionnels voire nouveaux en ce lieu. Or, le monde avait complètement évolué et la plupart de ce qui était interdit jadis commençait à s’introduire, à s’imposer progressivement du fait du voisinage et de l’influences extérieure. C’est vous dire combien Mame Ala était pieux et en même temps protégé de la légèreté des mœurs qui régnait à l’extérieur. Il pouvait rester longtemps sans sortir de chez lui ; préférant s’adonner à la dévotion. C’est pourquoi quand il voyait tout ce changement de comportement chez les gens de son époque, il restait choqué dans la mesure où il était très respectueux des règles établies par son grand-père et perpétuées par ses successeurs dont, son modèle, le troisième Khalif El Hadji Seydina Issa Lahi, qui n’hésitait jamais à corriger de sa main les transgresseurs. Un jour de ramadan, vers 18h, une délégation de Vision 129 conduite par le président Iba Faye est allée rendre visite à son grand frère Imam Mame Libasse pour discuter de l’organisation de la prière de Korité. Mame Alassane sortit de chez lui et informa son frère qu’il sortait pour rendre visite au Khalif Serigne Ablaye. « Maam Njiin ma ngi dem ziari Xalifa bi », lui lança-t-il. Quelques temps après, une voiture se gara devant la maison, pendant que nous étions toujours dans la cour avec Imam Mame Libasse. Soudain Mame Alassane sortit de la voiture. Il lui raconta en souriant : « Mame Ndjine, en marchant pour aller chez le Khalif je me suis perdu en cours de route une fois arrivé à côté de chez Assane Diène « Espou ». C’est pourquoi Laly [Adja Seynabou Ndione bint Seydina Mandione] a dit à Libasse Ndiaye de me transporter dans la voiture du Khalif pour le retour, pour éviter que je me perde à nouveau ». Pourtant la distance entre la maison de Mame Alassane et celle du Khalif c’est juste quelques 5 minutes de marche.

C’est donc pour vous montrer combien il était unique en son genre et n’était pas une personne de ce monde ou de cette époque. Il était un grand conservateur de l’orthodoxie purement Layène et c’est ce qui faisait qu’il prenait le temps d’aller visiter ses grands frères dont le Khalif de Seydina Limamou (asws), Chérif Ousseynou Lahi ou Mame Moussa Diagne ibn Sokhna Oumy Baye Lahi . Il était l’ami de tous, toutes générations confondues. Et chaque vendredi, plusieurs dizaines de fidèles profitaient de l’occasion pour aller lui rendre visite, tirer profit de ses causeries et conseils très enrichissants mais aussi de ses prières qui ne rataient jamais. Et cela rappelait encore ces propos que El Hadji Sakhir envers son père Mame Babacar Lahi :

Nanguk niaan ak fajuk aajoo ki feebar

Donoom ci Limaamu Laay la te loolu sax na

Plusieurs personnes qui étaient restées longtemps sans avoir la chance de se marier, ou qui ne pouvaient pas enfanter ou qui étaient malades sans jamais trouver de remède ont vu leurs souhaits se réaliser après avoir rencontré Mame Alassane Lahi ibn Seydina Ababacar. D’ailleurs, à l’époque Chérif Ousseynou Lahi et lui étaient ceux qui recevaient le plus de visiteurs. Certains préféraient aller lui rendre visite dès que le thé-débat du vendredi chez Chérif Ousseynou Lahi était terminé ; tandis que d’autres allaient le voir juste après la prière pour ensuite aller au thé-débat. En l’apercevant, on pouvait remarquer toute la lumière qui auréolait son visage si accueillant ; en l’approchant, on pouvait autant sentir toute la sainteté qui dégageait de lui. Toutefois, rien ni personne ne pouvait l’empêcher de dire la vérité aussi crue soit-elle. Mame Alassane Lahi fut sans nul doute le « Mame Babacar Lahi de notre époque » envoyé à nous autres qui n’avions pas la chance de connaitre son père encore moins son grand-père (asws).

Aujourd’hui, la communauté Ahloulahi est orpheline de son « Papa Ala » comme nous l’appelions tous affectueusement. Nos condoléances au Khalif Seydina Mouhamadou Makhtar Lahi Ibn Seydina Mandione, à Imam Mouhamadou Bachir, Chérif Mouhamadou Lamine, Cherif Mame Libasse Lahi, Imam Mouhamadou Makhtar et leurs sœurs dont Sokhna Adja Lotta Lahi bint Seydina Ababacar Lahi, et à toute la communauté Ahloulahi plus particulièrement à Vision 129.

Nous prions Allah de rehausser Mame Alassane en grade auprès du Saint-Maître Seydina Limamou Lahi Al Moukhtar wa Seydil Anlamine (asws).

Par Chérif Alassane Lahi Diop « Sibt Sâhibou Zamâne »,
Analyste politique et économique,
Expert en Commerce et Management des Affaires Internationales,
Secrétaire Général de Vision 129

Écrit par: soodaan3

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