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TRIBUNE DU VENDREDI N°103 : LA ZAKÂT, UNE OBLIGATION D’ORDRE DIVIN (1ÈRE PARTIE)

today18 novembre 2022 83 1

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La Zakât, une confirmation d’ordre divin (1ère partie)

La zakât est reconnue par le Coran, la Sunna et l’Ijmaâ (le consensus) comme étant une des obligations fondamentales de l’Islam en ce sens qu’elle est le troisième pilier de l’Islam après la profession de foi et la prière. Elle a été officiellement instituée dès la deuxième année de l’Hégire dans la mesure où, même si elle existait bien avant cette date, c’est à partir de l’installation du prophète (asws) à Médine que son taux et le minimum imposable furent fixés.

Pour comprendre son importance, il faut savoir que la zakât a été citée à coté de la prière dans plusieurs versets du Livre. Par exemple :« Et accomplissez la prière (Aṣ-Ṣalāt) et acquittez l’aumône (Az-Zakāt). Et tout ce que vous avancez de bien pour vous-mêmes, vous le retrouverez auprès d’Allah, car Allah voit parfaitement ce que vous faites. » (baqara, 110). Le terme « zakât » signifie purification en langue arabe. C’est pourquoi son rôle est de purifier la richesses détenue comme le prouve le verset 103 de la Sourate At-Tawba où Allah ordonnait à Son messager (asws) : « Prélève de leurs biens une Ṣadaqa par laquelle tu les purifies et les bénis. »

Il s’agit donc d’une aumône obligatoire ou d’un impôt légal fixé par la religion islamique pour être appliqué à certaines catégories de bien en notre possession et destiné à être reversé à un groupe de bénéficiaires bien précis. Ainsi, tout musulman [homme et femme] de condition libre a l’obligation de payer la zakât sur les biens en sa possession ayant atteint le seuil minimal d’imposition appelé « nisâb » (النِّصَاب) pendant une période appelée « hawl » d’une durée d’un an complet [suivant le calendrier lunaire].

Pour qu’un bien soit assujetti à la zakât les conditions suivantes doivent être remplies :

  • Le bien doit appartenir à une personne bien déterminée et doit être disponible ; Il doit connaitre une croissance [par le commerce ou l’élevage] : c’est pourquoi, les biens servant à la production (machines, outils, etc.) et les biens d’utilisation personnelle (maison, véhicules, meubles, nourriture, habits, etc.) sont exclus de l’assiette de la zakât ;
  • La valeur ou la quantité du bien doit, après satisfaction des besoins fondamentaux, atteindre le seuil minimal d’imposition ou « nisâb ».

Autrement dit, pour que le bien soit assujetti à la zakât il faut que toutes les charges de la personne soient réglées et que la quantité de bien restante atteigne le minimum requis. Il s’agit donc de taxer les excédents ;

L’accomplissement du « hawl » : le minimum imposable (nisâb) doit être en possession du contribuable pendant une période dite « hawl » d’une durée d’une année lunaire.

Les biens assujettis à la zakât sont globalement : l’or et l’argent, la monnaie fiduciaire (billets de banque et pièces de monnaie), les dépôts en banque, les carnets d’épargne, les titres bancaires (actions, obligations, bons du trésor, fonds de placement), les revenus (Salaires, honoraires, primes, gratifications et bonifications, la récolte (céréales et fruits) et le bétail (chameaux, vaches, moutons, chèvres),etc.

LA ZAKÂT SUR LES MÉTAUX PRÉCIEUX (OR ET ARGENT) ET LES AUTRES AVOIRS

Les ulémas de notre époque estiment le nisâb de l’or à 85 grammes et celui de l’argent à 595 grammes. Ils sont aussi unanimes pour dire qu’une fois que le nisâb est atteint et est en possession depuis un an lunaire, la zakât sur l’or et l’argent équivaut au quart du dixième ; ce qui correspond à 2,5%.

S’agissant de la monnaie fiduciaire, elle joue aujourd’hui, le même rôle qu’occupaient les monnaies traditionnelles que sont l’or et l’argent en tant qu’instrument facilitant les échanges (ventes et achats). C’est pourquoi le consensus des ulémas la traite comme pour l’or et l’argent en lui appliquant la zakât avec toujours un taux de 2,5%. On parle alors de « zakât al Mâl » ou zakât sur l’argent (le revenu). Et par extension, c’est ce même taux de 2,5 % qui est appliqué pour déterminer la zakât des titres bancaires et des produits financiers.

Pour que la « zakât al Mâl » soit exigible, le montant épargné pendant le hawl doit être au moins égal à la valeur monétaire de 85 g d’or ou 595 g d’argent ; laquelle valeur est calculée en fonction du cours de ces métaux précieux. À ce niveau, il convient de préciser que pour la « zakât al Mâl » notamment en ce qui concerne l’exigibilité de l’accomplissement du hawl, l’enseignement du saint-maitre Seydina Limamou Lahi Al Mahdi (asws), fondateur de la Communauté Ahloulahi diffère de l’avis des jurisconsultes (cf. le troisième numéro à paraitre sur cette série de tribunes axées sur la zakât).NB : les bijoux et parures ne sont pas redevables de zakât à moins qu’ils produisent un revenu accessoire (produits de location par exemple).

LA ZAKÂT SUR LES ANIMAUX

Concernant le bétail, les avis des ulémas sont unanimes quant à l’application de la zakât sur les camélidés, les bovins, les ovins (moutons et brebis) et les caprins (boucs et chèvres). Par contre, les ânes et les mulets, en ce sens qu’ils sont utilisés comme bêtes de somme et comme montures, ne sont pas assujettis à la zakât. Pour le reste des animaux la zakât n’est pas exigible à moins qu’ils soient destinés au commerce. Toutefois, les ulémas ont donné des avis divergents concernant le bétail de pâturage et le bétail affouragé (engraissé).

Par le groupe de mots « bétail de pâturage » il faut comprendre celui qui se nourrit des herbes des champs – des herbes qui ont poussé naturellement par la grâce d’Allah sans intervention de l’homme et qui appartiennent à tous – dans la majeure partie de l’année. Tandis que le bétail engraissé renvoie à celui qui se nourrit d’aliments spéciaux acquis par le propriétaire ou d’herbes plantées par celui-ci.

À ce propos, hanafites, hanbalites et chaféites sont d’avis qu’il n’y a pas de zakât sur le bétail affouragé. Sur ce point aussi, il y a encore divergence concernant la durée du pâturage. En effet, dans l’école chaféite l’avis majoritaire est que le bétail doit être engraissé durant une année lunaire complète pour être exempt de zakât là où les écoles hanafite et hanbalite considèrent qu’il doit être affouragé la plus grande partie du hawl pour bénéficier de l’exemption. Les malékites, par contre, prennent le contre-pied des avis précédents en ce sens qu’ils avancent que la zakât est aussi bien exigible sur le bétail qui pait que sur celui engraissé même pendant toute la durée du hawl. L’autre point de divergence entre les jurisconsultes réside dans l’exemption ou non de zakât pour le bétail dit « actif ».

En effet, hanafites, hanbalites et une grande majorité chez les chaféites estiment que le bétail mis au service du propriétaire pour le labourage, le transport, l’irrigation, etc. est exempt de zakât. L’école malékite et une minorité parmi les chaféites prennent leur contre-pied en ce sens qu’elles jugent que le fait que le bétail soit nécessaire au travail de son propriétaire ne le dispense aucunement de zakât.

Par ailleurs, pour les Imâms Malick, Ash-Shafi’î et Ahmad ibn Hanbal, la zakât sur les animaux doit être versée en nature. Par contre l’Imâm Abû Hanifa soutient qu’elle peut être convertie en numéraires en fonction du prix du marché de la bête en question car c’est plus profitable aux pauvres. Pour la zakât sur les camélidés, le « nisâb » est donné par ce hadith de Aboû Sa’id Al Khoudri (rta) rapporté successivement par Al Boukhari, Mouslim, At-Tirmidhi, An-Nassa-i et Ibnou Majah où le Prophète (asws) a dit : « Il n’y a pas de zakât dans moins de 5 chamelles. »

Donc il apparait clair que c’est seulement une fois que l’on dispose d’au moins 5 chameaux que la zakât devient exigible. Concernant la quotité, elle est donnée par ce hadith de Anas Ibn Malik (rta) qui soutient que Abou Bakr (rta) lui a écrit un livre lorsqu’il l’a envoyé à Bahreïn en ces termes : « Bismillahi R-rahmani R-rahim. Ceci est la zakât obligatoire que le Prophète (asws) a ordonnée aux musulmans, et qui a été ordonnée par Allah ‎à Son Envoyé. Celui parmi les musulmans à qui on demande cette zakât légalement, qu’il la donne. Et celui à qui on demande plus que ce qu’il ne doit donner, alors qu’il ne le donne pas. Jusqu’à 24 chameaux, pour chaque 5 chameaux, donner en zakât une brebis. À partir de 25 chameaux jusqu’à 35, donner une bint Makhâdh (بِنْتُ مَخَاضٍ) ou femelle âgée de 1 an. À partir de 36 jusqu’à 45, donner une bint Laboûn (بِنْتُ لَبُونٍ) ou c’est une femelle âgée de 2 ans. À partir de 46 jusqu’à 60, donner une Hiqqa (حِقَّةٌ) ou femelle âgée de 3 ans. À partir de 61 jusqu’à 75, donner une Jadh’a (جذعة) oust une femelle âgée de 4 ans. À partir de 76 jusqu’à 90, donner 2 bint Laboûn. À partir de 91 jusqu’à 120, donner 2 Hiqqa. Au-delà de 120, donner pour chaque quarantaine une bint Laboûn, et donner pour chaque cinquantaine, une Hiqqa. Et celui qui n’a que quatre chameaux, il n’a pas de zakât à donner, sauf s’il le désire, et lorsqu’il atteint cinq chameaux il doit donner une brebis en zakât. » (Rapporté par Al Boukhari, Abou Dawoud, An-Nassa-i et Ibnou Majah)

Pour les bovins, le nissab est fixé par ce hadith de Mo’âdh Ibn Jabal (rta) rapporté par At-Tirmidhi, An-Nassa-i, Abû Daoud et Ibnou Majah : « Le Prophète (asws) m’a envoyé au Yémen, et il m’a ordonné de prendre comme zakât sur les vaches, pour chaque 40, une « Moussinna » (مُسِنَّةٌ) ou femelle âgée de 2 ans, et pour chaque 30, une génisse d’un an ou un veau d’un an. »

Ainsi, il apparait clair que le nisâb est de 30 vaches et c’est l’avis unanime des quatre écoles de fiqh. Pour les ovins, caprins et leurs troupeaux mixes, on se réfère encore au livre qu’Abou Bakr avait écrit à Anas et où ce premier khalif précisait : « Pour les ovins « sâ-im » [c’est-à-dire qui broutent l’herbe des pâturages et dont le propriétaire n’a pas la charge de les nourrir], de 40 à 120, la zakât est d’une brebis. De 121 à 200, la zakât est de 2 brebis. De 201 à 300, la zakât est de 3 brebis. Au-delà de 300, on donne une brebis par centaine. Et lorsque la personne possède 40 moins un [c’est-à-dire 39], il n’est pas obligé de donner la zakât, sauf s’il le souhaite. » (Rapporté par Al Boukhari, Abou Dawoud, An-Nassa-i et Ibnou Majah).

Le nisâb est alors de 40 et la quotité donnée pour les ovins peut aussi servir de base pour les caprins. En d’autres termes, de 40 à 120 caprins, la zakât est d’une chèvre. La brebis donnée en zakât doit être âgée d’un an au moins ; là où la chèvre doit avoir deux ans au moins. NB : une femelle qui allaite encore ou celle en gestation ou celle qui coûte très chère ou qui est très aimée par son propriétaire ne doit pas être donnée en zakât. Il y va de même pour une bête malade ou une bête qui est vieille ou celle souffrant d’un handicap.

À suivre…

Chérif Alassane Diop LAHI
SG de Vision 129

Écrit par: soodaan3

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