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TRIBUNE DU VENDREDI N°119 : Ndingala, la terre sainte des Ahloulahi

today30 juin 2023 109 1 1

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Ndingala, la terre sainte des Ahloulahi

Tout au début de sa mission lancée en 1301 de l’hégire (1883-1884), le saint-maitre Seydina Limamou Lahi (asws) répétait souvent la célèbre phrase : « Trois ans, trois jours, trois mois » sans que personne ne comprît de quoi il s’agissait.

Or, trois ans après avoir lancé son Appel aux Hommes et aux Djinns, Seydina Limamou Lahi (asws) a été mis en mal avec les autorités coloniales par un grand dignitaire lébou du nom de D. F. DIOP, comme le montrent les documents d’archives coloniales. Ce dernier après les avoir prévenus de la prétendue « menace » (pourtant non justifiée) que constituait Seydina Limamou (asws), l’homme le plus pacifique que ce monde ait connu, les informa que le Chef de Canton et Serigne Ndakaaru Diali Beukeu (Dial Diop 2) était au courant des choses mais n’a pas voulu les en informer. Pour la simple raison, disait-il, que les fils de celui-ci faisaient partie des plus fidèles prosélytes de Seydina Limamou Lahi (asws).

Les informations successives (toujours non vérifiées) qu’il donna, convainquirent, influencèrent, acculèrent le délégué de l’Intérieur Cléret et le Commissaire de Police Huguenin pour finir par les pousser à bâcler la procédure normale d’une enquête sérieuse et à conclure à un ordre d’arrestation immédiate de Seydina Limamou sans aller plus profondément dans les choses. Aussi, dans la nuit du 10 au 11 septembre 1887, vers les coups de trois heures du matin, les colons menèrent une percutante expédition militaire à Yoff pour exfiltrer le saint-maitre des Ahloulahi. Mais ils ratèrent Seydina Limamou qui, quelques heures auparavant, avait reçu, de son Seigneur, l’ordre de quitter Yoff pour s’exiler au village de Malika plus précisément au site sablonneux de Nguédiaga.

Sur le chemin de cet exil, Seydina Limamou Lahi accompagné de quelques fidèles (Thierno Sarr Thiom, Abdoulaye Samb, Ali Mbaay et Demba Mbaay) longea la côte yoffoise vers l’est. Tout au long de ce voyage, il marqua plusieurs arrêts sur des sites bien précis et qui, aujourd’hui, sont devenus des mosquées, des zones d’agglomération, des cimetières (notamment celui de Bakhia), etc.

Sur chaque site, il effectua une série de prières avant de poursuivre son chemin. Une fois aux abords du site de Ndingueuleu, Seydina Limamou prit le temps de formuler d’interminables prières en se positionnant successivement face à chacun des quatre points cardinaux. Ensuite, il alla d’un pas ferme vers un autre emplacement, toujours en ce lieu et déclara : « Voici la mosquée où se feront d’agréables prières. On y chantera de si beaux hymnes à la gloire de Dieu, que des spectateurs y seront attirés, Dieu fera ce qu’il a promis ».

Par la suite, le saint-maitre et ses compagnons descendirent à l’endroit appelé « Ñânukaay ba », où se trouve le majestueux baobab et le puits béni. Il convient de préciser que le saint-maitre a lui-même rapporté que ce baobab géant et ce puits étaient d’abord avec lui à Médine au cours de sa première mission en Arabie avant de venir s’implanter en ce lieu en attendant sa seconde mission dans le Pays du Couchant « fil maghribil aqsâ anlâ sâhilil baqr ». Une fois sur la place dite « Ñânukaay ba », le saint-maitre observa un long délai d’attente avant d’interroger ses compagnons comme il l’avait fait tout au long de leur périple : « Voyez-vous, cette foule de djinns ? ils sont là, tous réunis, venant de partout à travers le monde, tous convertis. Eux savaient que le Prophète Mouhamad (lui-même Seydina Limamou) devait arriver ici aujourd’hui ». Il échangea avec le chef des Djinns dans un dialecte incompréhensible avant de poursuivre leur chemin. (Propos recueillis par le Pr Assane Sylla auprès du vieux Goté Bity Thiom fils de Mame Thierno Sarr Thiom).

Une fois arrivé au lieu sacré de Nguédiaga à Malika, il y resta 3 jours, jusqu’au moment où il reçut la visite de l’archange Djibril (as). À la suite de cette visite, Seydina Limamou annonça que son Seigneur lui a recommandé de faire venir son fils nommé Amar (Seydina Mandione), car celui-ci occupait un rang privilégié auprès de Lui (swt).

En effet, toujours selon le saint-maitre, Allah et Ses Anges ont beaucoup d’estime pour Seydina Mandione ; partout où il se trouve, règne la paix ; dans tout cimetière où il pose ses pieds, Allah pardonne à tous les défunts qui s’y trouvent. Il demanda alors qu’on lui ramenât ce fils prodigieux. Seydina Mandione était à l’époque âgé d’à peine quatre ans et était confié à sa tante Seynabou Diène, épouse de son père. Quand enfin le jeune Seydina Mandione arriva auprès de son illustre père dans le buisson de Nguédiaga en compagnie de Tafsir Abdoulaye Diallo, Aly Yakha et sa tutrice Seynabou Diène, le saint-maitre se sentit soulagé, requinqué.

Il eut beaucoup de peine pour son peuple qui, pendant ces 3 jours, n’a eu aucun répit. À la suite de son départ en exil, les autorités coloniales avaient menacé les populations léboues de la Presqu’ile du Cap-Vert de représailles au cas où leur fils, Seydina Limamou Lahi (asws), n’était pas retrouvé dans les plus brefs délais. La menace brandie pour les motiver était de bruler Yoff et les villages environnants et d’emprisonner les populations arbitrairement. C’est pourquoi, pendant ces trois jours, les habitants des 7 villages lébous : Ndakaaru (et ses 12 peenc), Ngor, Yoff, Ouakam, Mbao, Thiaroye et Rufisque) se sont mobilisés autour d’une battue à la recherche de Seydina Limamou Lahi afin de le livrer aux autorités coloniales.

Seydina Limamou Lahi (asws) gagné par la pitié, lui qui est « Rahmatan lil ânlamîna », se livra à son peuple avant de leur déclarer plus tard : « Allons maintenant rencontrer ceux [les colons] que vous croyez capables d’éteindre la lumière d’Allah ! ». Par la suite, il fut emprisonné à Gorée après la vaine tentative de le déporter loin de sa patrie natale à « Wiir-Wiir ». Une fois que la sentence de le déporter loin de sa terre natale est tombée, comme ce fut le cas pour nombre de résistants africains à l’image du redoutable Chef de guerre Almamy Samory Touré, le meilleur des Ahloulahi décréta devant la foule de fidèles et de détracteurs présents sur le quai du port de Dakar : « Si, depuis le quai où vous vous trouvez, vous ne voyez plus le mat de ce bateau censé me mener à Wiir-Wiir, sachez que je ne suis pas Mouhamadou Rassoulou Lahi ! »

C’était une façon pour dire que personne ne peut le sortir de sa terre natale de Dakar. Allah confirma ses propos car une fois aux environs de la tristement célèbre île de Gorée, les moteurs du bateau dénommé « Cap Lopez » s’éteignirent soudain et aucune des nombreuses tentatives de les réparer n’a abouti. On se résigna alors à le placer à Gorée.

Il y passa 3 mois avec son fidèle disciple Tafsir Abdoulaye Diallo. C’est à partir de là que sa célèbre phrase fut enfin décryptée : les 3 ans signifiant que c’est TROIS ANS après avoir lancé son Appel que les hostilités avec les colons démarreraient ; les TROIS JOURS renvoient aux trois jours d’exil à Malika ; enfin les 3 MOIS correspondent à la durée de son séjour à Gorée.

À son retour de Gorée, Seydina Limamou Lahi (asws) préféra rester chez son disciple Thierno Mbaye Sylla à la rue Blanchot en ville. Quand ses parents de Yoff constatèrent qu’il n’était pas disposé à rentrer à Yoff, ils constituèrent une délégation de notables chargés de l’inviter à rentrer sur sa terre natale.

À son retour sur Yoff, Seydina Limamou Lahi érigea le village de Ndingueuleu qui fut le premier qu’il créa. Il y bâtit une mosquée au même emplacement qu’il avait montré à ses compagnons à son passage sur ce site sur le chemin de l’exil vers Malika. Il donna des terres cultivables à ses fidèles et y vécut en alternance avec sa demeure de Yoff jusqu’à son rappel à Dieu en 1909.

C’est d’ailleurs en ce lieu de Ndingueuleu qu’il avait réuni une première fois les fidèles, deux jours après la dernière prière de Korité qu’il présida en 1909, afin de faire un sacrifice en immolant un bœuf. Quand il comprit que tous les fidèles avaient prié pour sa guérison alors que ce n’était pas le but recherché, le Saint-Maître organisa un deuxième sacrifice mais cette fois-ci à Yoff le jeudi suivant. Cette fois-ci, deux bœufs furent immolés pour prier Allah d’accorder Sa Miséricorde à son peuple. Plus tard dans la soirée (nuit du jeudi au vendredi) Seydina Limamou Lahi quitta ce monde.

Voici donc une terre remplie d’histoire et de souvenirs.

Plus tard, sous l’ère de son premier Khalif Seydina Issa Rohoulahi (as), le village fut déplacé du site de Ndingueuleu à son emplacement actuel à Cambérène à cause de l’épidémie de peste de 1914 qui emporta plusieurs membres de notre communauté. Alors, pour freiner la propagation de la maladie et endiguer le mal, Seydina Issa Rohoulahi (as) mit le site en quarantaine et déplaça les personnes saines au site de l’actuel village de Cambérène situé sur les rives de l’Océan Atlantique. Cela valut à Seydi Rohoulahi (as) la Médaille des Épidémies.

L’ancien site fut alors abandonné et on l’appela « Gueentaba ».

Plusieurs années plus tard, sous le règne du troisième Khalif, Baye Seydi Thiaw Lahi, au milieu des années 1970, le président Senghor céda, par décret publié sur le Journal Officiel, les terres de Ndingueuleu et environs à deux particuliers. Quand Baye Seydi Thiaw Lahi en fut informé – il prenait toujours le temps de lire les journaux chaque matin – il réunit son cabinet et ses frères afin de voir comment annuler ce regrettable décret. L’un de ses proches collaborateurs, son secrétaire particulier Seydina Issa Laye Diop, qui fut un diplomate détaché à Bruxelles et le premier Directeur de l’Industrie et de l’Artisanat après l’Indépendance du pays, lui fit savoir combien il était compliqué voire quasi-impossible de faire annuler un décret présidentiel. Poursuivant, son propos, il conseilla, toutefois, au Khalif que la seule solution pour faire revenir le Président de la République sur sa décision était de rassembler tous les fidèles sur le site pour une manifestation religieuse d’envergure, une séance de prières par exemple, une ziarra au cours de laquelle les médias seraient conviés pour couvrir l’évènement. Le Khalif valida cette proposition et quand les images de cette première ziarra de Ndingueuleu ont été diffusées, le Président Senghor comprit son erreur et annula aussitôt le décret de cession de cette terre sacrée des Ahloulahi.

Baye Seydi Thiaw Lahi, en guide avant-gardiste, chargea aussitôt son secrétaire particulier d’entreprendre les démarches auprès de l’autorité pour en faire un titre foncier au nom de la communauté Ahloulahi. Depuis lors, une séance de zikr et de prières sont annuellement organisées à Ndingueuleu dans l’après-midi de la Tabaski sous la présidence effective du Khalif Général. L’organisation et la causerie étant assurées par le très pertinent prédicateur feu Seydina El hadji Abdoulaye Thiaw. À ce propos, Serigne Ablaye avait l’habitude dès qu’il immolait son mouton de Tabaski de quitter sa maison, sans même attendre le repas, pour aller directement à Ndingueuleu afin de préparer le terrain en attendant l’arrivée de son frère, le Khalif, et les fidèles pour la ziarra annuelle dans l’après-midi de la Tabaski.

C’est plus tard, au milieu des années 2000, qu’il a été décidé que la ziarra de Ndingueuleu se ferait dorénavant le premier samedi après la Tabaski. Il convient de rappeler que quand Baye Seydi Thiaw Lahi initia la Cérémonie commémorative de l’Appel de Seydina Limamou Lahi (asws) au Centenaire en 1981, il avait démarré la célébration à Ndingueuleu dans la matinée par une séance de prières accompagnées de chants religieux en l’honneur du Très-Haut avant de rejoindre le Mausolée de Seydina Issa Rohoulahi à Jamalahi Cambérène.

Tout cela montre que la prédiction du Saint-Maître faite quand il passa en ce lieu au cours de son exil telle que rapportée plus haut a été concrétisée par son troisième Khalif et premier petit-fils à lui succéder à savoir Baye Seydi Thiaw Lahi « Sangoup Jamono ». Pour saluer les mérites du déterminé troisième Khalif, l’éminent poète Mouhamadou Lahi Ndir avait alors composé :

Moo dundal guyuk Ndingëli nuy ziaari ak di fa ñaan

Jamm sax ci biir Senegal, yalna Yàlla nangu jëfëm

Dans un autre poème il chanta :

Guy goo gee Isa faral di fa dem

Ndingalaay turam di fa ñaanal mbindeef yi moo jara xam

Ñaan fa day nangu

Fa la jakkay Limaamul Mahdiyu né

Yaw démal taxaw di nga gis ñaari geeji Mahdiyu Laay

Loolu bir na nu

 Fa la Njiin daan taxaw di wooté julli

Naan jullèè jullèè

Daan fa ñaani kon su fa Baay Seydi Caw démé di fa ñaan

Ñaan fa doy na nu

Si Baye Seydi Thiaw Lahi a pu réussir tout cela, c’est parce que disait toujours Mouhamadou Laye Ndir :

Buur Yàlla la yekki jox la meetèèluk Limaamu Laay

Ni la jiiteel ma Xarnu bi ba mu teer

Loolu bir na nu.

Pour cette année, la ziarra est prévue demain samedi 1er juillet 2023 à partir de 15h.

Qu’Allah accepte toutes nos prières.

Par Chérif Alassane Lahi Diop “Sibt Sâhibou Zamâne”,
Analyste politique et économique,
Expert en Commerce et Management des Affaires Internationales,
Secrétaire Général de Vision 129.

Écrit par: soodaan3

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