CHRONIQUES

TRIBUNE DU VENDREDI N°116 : Hommage à imam Mouhamadou Bachir LAHI

today19 mai 2023 307 2

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Hommage à imam Mouhamadou Bachir LAHI

Fils de Seydina Ababacar Lahi et de Sokhna Yaye Faty Thiaw, Imam Mouhamadou Bachir naquit en 1955 sous le califat de son oncle Seydina Mandione Lahi. Toutefois, il ne vécut que onze ans avec son illustre père qui devait quitter ce monde en 1966.

Mouhamadou Bachir savait très tôt quel serait son rôle dans cette communauté et dans la mission de son vénéré aïeul. C’est pourquoi, il s’arma de détermination et se lança très tôt dans une quête du savoir, lui dont le père était nommé « Bâbul ‘Ulûm » (Seuil du Savoir). Cette quête du savoir avait démarré, comme il est de coutume dans la cour du Saint-Maître (asws), avec la mémorisation du saint Coran et l’initiation aux sciences religieuses. À l’époque, les vieux du peenc à l’image de Mame Babacar Diop s’employaient à enseigner le coran et les célèbres ouvrages de Fiqh dont « Al Akhdariu », « Ashmâwiyu », « Rissâla », « Moukhadimatul Izziya », etc. aux jeunes du quartier. C’est dans cet environnement où les jeunes assimilaient très tôt une grosse part des connaissances religieuses qu’évolua le jeune Mouhamadou Bachir ibn Seydina Ababacar. Sa quête effrénée de savoir l’avait conduit à l’école française. D’ailleurs, en classe de CI au Cours Privés Seydina Mandione Lahi de Yoff, mon maitre, M. Diène, qui était en même temps Imam ratib en ville à l’époque, m’a une fois révélé que Imam Bachir faisait partie de ses anciens élèves et qu’il était très studieux. Après des études primaires à l’école 1 de Yoff jusqu’en classe de CM2 avant d’intégrer le Lycée Blaise. Toutefois, il dut arrêter son cursus en classe de 5ème pour des raisons qui dépassent toute notre imagination. De là, il décida soudain de changer complètement d’orientation en s’inscrivant à l’institut islamique qui se trouvait, à l’époque, sur la Rue Blanchot en ville afin d’approfondir ses connaissances en langue arabe.

Son grand-frère, le Khalif de l’époque El Hadji Seydina Issa Lahi communément appelé Baye Seydi Thiaw Lahi, en guide avant-gardiste très conscient de l’importance du savoir avait fait des pieds et des mains pour trouver aux jeunes étudiants de sa communauté des bourses étrangères dans les prestigieuses universités des pays arabes. Son objectif était, d’abord, de permettre aux jeunes étudiants de notre communauté d’acquérir de solides connaissances islamiques et des outils leur permettant de mieux véhiculer la doctrine du Saint-Maître (asws). Ensuite, à leur retour de pouvoir former d’autres jeunes qui, plus tard assureraient la relève dans la mission de répandre les enseignements de Seydina Limamou Lahi (asws). Or, quand Baye Seydi Thiaw Lahi a reçu trois bourses, il fit appeler les trois jeunes à qui il voulait les offrir.

Quand Mouhamadou Bachir, Mamadou Malaye Diop (ancien journaliste à la RTS) et un autre sont venus lui répondre, il leur demanda leur âge et s’aperçut qu’ils avaient tous dépassé l’âge requis. Pour autant, cela ne freina pas ses élans car il demanda qu’on appelât de suite leurs jeunes frères Mame Libasse Lahi « Mame Ndjine » fils de Seydina Ababacar Lahi, Oumar Diop (jeune frère de Mamadou Malaye) et Libasse Gaye (ancien diplomate et actuel Imam Ratib de Yeumbeul) fils de Imam Mouhamadou Sakhir Gaye pour leur offrir ces bourses qui les menèrent au royaume du Koweït. Cela ne freina en rien l’ambition de Mouhamadou Bachir dans sa quête de savoir dans la mesure où, il devint un autodidacte très déterminé qui achetait toutes sortes d’ouvrages et de bandes cassettes pour parfaire l’apprentissage de la langue arabe et même s’alphabétiser dans d’autres langues étrangères notamment l’anglais.

D’ailleurs, quand, dans les années 90, une délégation de citoyens américains de la ville de Philadelphie est venue à Yoff pour rendre une visite de courtoisie au Khalif de l’époque Seydina Mame Alassane Lahi, un vendredi, Imam Mouhamadou Bachir, à sa sortie de la mosquée, s’est entretenu avec eux en anglais devant moi et plusieurs autres habitants du quartier tous médusés. Et il était très à l’aise avec la langue de Shakespeare. Ses études par correspondance lui avaient aussi permis de décrocher un diplôme d’interprète de la Sorbonne.

Par ailleurs, Baye Seydi Thiaw Lahi plaçait beaucoup d’espoir en son jeune frère Mouhamadou Bachir. C’était comme s’il cherchait à faire pour Serigne Bass ce que le père de celui-ci (Mame Babacar Lahi) avait fait pour lui des années auparavant. Autrement dit, c’est comme s’il cherchait à payer une dette. En effet, Seydina Ababacar Lahi ibn Seydina Limamou Lahi (asws) avait fait de son neveu Baye Seydi Thiaw Lahi (fils de son grand frère Seydina Mandione) son fils spirituel dans la mesure où il avait assuré une grande partie de sa « tarbiya ». Mais encore, Seydina Ababacar dont la renommée basée sur l’étendue de son savoir et ses prières miraculeuses avait embrassé les coins les plus reculés de la sous-région africaine, avait aussi fait de lui son successeur désigné en déclarant à la fin de sa vie : « si un jour vous ne me voyez plus sur cette terre [pour résoudre vos soucis], allez voir Seydi Thiaw fils de Seydina Mandione ».

C’est alors sans doute pour toutes ses raisons que Baye Seydi Thiaw Lahi voyait en son jeune frère Mouhamadou Bachir un fils ainé et l’avait traité comme tel durant toute sa vie. À la fin des années 70 (vers 1978 plus précisément), des jeunes yoffois ayant nouvellement embrassé la doctrine Ahloulahi, sont venus trouver Baye Seydi Thiaw Lahi pour lui demander l’autorisation d’organiser une conférence religieuse afin de permettre aux jeunes oustaz du village de poser toutes les questions qu’ils avaient sur les missions de Seydina Limamou Lahi Al Mahdi (asws) et celle de son fils Seydina Issa Rohoulahi (as). Dans sa sagesse, il leur demanda s’ils avaient déjà pensé à un conférencier en particulier pour l’occasion…

Finalement, quand il remarqua que les choses tardaient à arriver, Baye Seydi Thiaw Lahi décida que ce serait les jeunes Mouhamadou Bachir et Baytir Sène qui co-animeraient ladite conférence. Il les rassura, les prépara, les encouragea et leur garantit que son défunt grand-père Seydina Limamou Lahi (asws), ses successeurs et lui-même les « accompagneraient » le jour de l’évènement. Il demanda à sa grande sœur Sokhna Aitassène (fille ainée de Seydina Mandione Lahi) de les accompagner physiquement dans les démarches et le jour de l’événement. Cela fut une grande réussite car toutes les questions posées par les jeunes oustaz de la collectivité léboue de Yoff dans le but de contester la véracité de la double mission prophétique de Seydina Limamou Lahi Al Mahdi (asws) et de son fils Seydina Issa Rohoulahi (as) furent traitées avec beaucoup de pédagogie et une évidence déconcertante.

Le résultat de cette réussite fut sans nul doute le déferlement des yoffois sur la résidence du Khalif pour enregistrer leur allégeance à Seydina Limamou Lahi (asws). Serigne Basse a beaucoup contribué à l’expansion de la doctrine Ahloulahi dans le Pays de Taank (Yoff, Ngor, Ouakam) et au-delà à Yarakh grâce aux nombreuses et fréquentes causeries qu’il y a menées. Tout juste avant la commémoration du centenaire de l’Appel de Seydina Limamou Lahi survenu le 5 juin 1981, Baye Seydi Thiaw Lahi avait anticipé sur les choses en décidant d’augmenter la capacité d’accueil de la mosquée de Yoff Layène afin d’en faire une « djouma ». À l’époque, il n’y avait encore aucun djouma à Yoff Layène. Les fidèles étaient obligés d’aller à Cambérène ou à la grande mosquée de « Biir Yoff » les vendredis. Une fois que le troisième Khalif en augmenta les dimensions il chargea son frère Serigne Ablaye de diriger les offices du vendredi dans cette nouvelle djouma, construite à l’origine par le premier Khalif Seydina Issa Rohou Lahi (as).

Mais plus tard, conscient que les responsabilités qu’il avait déjà confiées à son brave frère étaient déjà trop nombreuses, Baye Seydi Thiaw le soulagea de cette charge pour lui permettre d’avoir plus de temps pour s’occuper de ses autres fonctions. À partir de là, « Sangoup Jamono », prit une décision qui allait, à jamais, marquer l’histoire de la communauté Ahloulahi. Il nomma son jeune frère Mouhamadou Bachir, âgé alors de 26 ans, Imam Ratib de ladite mosquée. Quand la décision fut rendue publique sa mère, la brave Sokhna Yaye Faty Thiaw alla rencontrer le Khalif pour lui faire savoir que Mouhamadou Bachir était encore très jeune pour porter une telle responsabilité. Elle ne doutait aucunement des compétences et de la droiture morale de ce fils qui a prématurément marché sur les pas de ses illustres ascendants. Mais la fibre maternelle faisait qu’elle était très protectrice et voulait lui éviter les écueils et les vicissitudes liées à une telle charge devant autant de « kilifas ». La réponse de Baye Seydi Thiaw ne changea en rien sa décision initiale.

Alors Mame Ya Faty alla chercher de l’aide auprès de la seule fille encore vivante du Saint-Maître et, à ce titre tante du Khalif, à savoir Sokhna Oumy Baye Lahi qui était aussi la sœur germaine de Seydina Ababacar Lahi (père de Mouhamadou Bachir). Mais cette dernière, comme connectée avec son neveu (le Khalif) la rassura en lui faisant savoir que Baye Seydi Thiaw savait très bien ce qu’il faisait et qu’il ne laisserait pas Mouhamadou Bachir tout seul avec cette charge car il veillerait bien sur lui. Et la suite avait bien confirmé ces propos de la fille cadette du Saint-Maître. Le troisième Khalif avait l’habitude de consulter très souvent ses frères Seydina Mame Alassane Lahi (futur 4ème Khalif) et Serigne Ablaye (futur 5e Khalif) qui était de facto des membres de son cabinet avant ses prises de décisions.

Après avoir nommé Serigne Bass Imam Ratib de Yoff Layène, il l’intégra à son cabinet aux cotés de ses autres frères malgré une différence d’âge de 41 ans qui le séparait de lui. Par cette décision, il impliqua ce si jeune frère au cœur de la gestion des affaires de la famille et de la communauté Ahloulahi d’une part ; et voulut que Imam Bachir apprît aux cotés des meilleurs (eux qui avait été formés par les fils du Saint-Maître) d’autre part. Cette solide formation que reçut Imam Bachir aux cotés de ses frères ainés lui a permis d’être très tôt naturellement accepté et respecté par tous les dignitaires ainsi que toute la communauté Ahloulahi. Très souvent, c’est lui que le Khalif envoyait pour représenter la communauté Ahloulahi aux cérémonies religieuses organisées par les autres communautés religieuses à Dakar.

D’ailleurs, il avait impressionné son auditoire de par sa pertinence et son éloquence à l’occasion de la conférence annuelle organisée par les Dahiras Tidjanes en présence de Serigne Abdoul Aziz Al Amine. À la fin de ladite conférence, Al Amine lui avait même demandé dans quelle université étrangère il était sorti. Et Mouhamadou Bachir de lui dire qu’il n’avait jamais quitté le pays. En 1984, Baye Seydi Thiaw l’envoya le représenter en Iran avec le professeur Assane Sylla pour répondre à l’invitation du Guide de la Révolution Ayatollah Khomeïni. Au lendemain de leur départ, une dépêche venue très tôt du palais de la République demandait à Baye Seydi Thiaw de n’envoyer aucune délégation en Iran car le Sénégal venait de rompre toutes relations diplomatiques avec ce pays à la suite de l’embargo décrété par les USA et leurs alliés. Baye Seydi Thiaw notifia au président Abdou Diouf qu’il avait déjà envoyé sa délégation la veille.

À la disparition de Baye Seydi Thiaw Lahi survenue en 1987, c’est lui qui, malgré la tristesse, avait donné l’information à partir de laquelle le nouveau Khalif Seydina Mame Alassane décida d’enterrer leur défunt frère sur l’actuel emplacement où se trouve son mausolée. C’est vous dire combien Serigne Bass avait bien réussi sa formation et était écouté par ses ainés. Sous le califat de Seydina Mame Alassane, Imam Bachir occupa une position encore prépondérante. Le quatrième Khalif l’envoyait très souvent le représenter à l’occasion de grandes cérémonies religieuses (y compris les mariages et les baptêmes). En 1992, il décida de prendre du recul par rapport à ce bas-monde et réduire progressivement ses sorties. À partir de là il ne sortait quasiment plus que pour aller diriger la prière du vendredi ou pour quelques rares occasions (cérémonies de baptême, etc.). Et même là, il sortait très tôt pour faire le nécessaire et rentrait aussitôt après.

La date du 7 janvier 2000 marqua la dernière prière du vendredi qu’il présida de sa vie. Il ne ressortira de sa retraite qu’au jour du rappel à Dieu de sa sainte mère. Après avoir dirigé sa prière mortuaire, il s’enferma dans une retraite qui dura au moins deux décennies. Et même la disparition prématurée de son fils ainé Mame Libasse Ndjine Lahi n’avait pu le sortir de sa retraite. Quand il décida de se détacher complètement de ce bas-monde et d’entrer en retraite spirituelle pour une durée indéterminée, personne ne pouvait comprendre cela encore moins imaginer que cela prendrait autant de temps. À l’époque Imam Mouhamadou Bachir était encore jeune et avait le monde à ses pieds. Il était l’aîné des enfants de Seydina Ababacar Lahi et avait une renommée qui lui prêtait, tout comme à son père, la faculté prodigieuse de voir toutes ses prières exaucées. Et à ce titre, le monde et tout ce qu’il contenait d’hommes célèbres (hommes politiques, businessmen, etc.) et de biens lui courraient après.

Autrement dit, Serigne Bass avait le monde à ses pieds. Mais lui, dont la proximité avec le Tout-Puissant était devenue un secret de polichinelle avait déjà arrêté sa décision : s’éloigner de ce monde pour encore se rapprocher davantage de son Créateur. Il lui a donc fallu être très déterminé, et s’armer en foi et en endurance pour rester autant de temps loin des mondanités. Durant toute cette longue et dure épreuve, sa famille (ses épouses, enfants, frères sœurs) se sont révélé très courageux et très patients. C’est l’occasion de saluer leur présence et leur sacrifice.

Imam Bachir était le guide religieux dont ce monde moderne avait besoin. D’un abord facile, doté d’une pédagogie sans commune mesure et d’une ouverture d’esprit qui attirait les foules toutes générations confondues, Imam Bachir a marqué l’histoire de la communauté Ahloulahi. Il était polyglotte alphabétisé dans plusieurs langues étrangères (arabe, français, anglais, espagnole, etc.) en plus du wolof et du pulaar, et présageait déjà un califat qui aurait été la continuité logique et homogène de celui de son frère et ami de toujours Seydina Mouhamadou Makhtar ibn Seydina Mandione. Hélas ! Allah le Connaisseur de l’Insondable en a décidé autrement.

Nous Le prions de rehausser Imam Bachir en grade auprès des « çâlihîna » par la grâce de notre maitre Seydina Limamou Lahi Al Moukhtar wa Seydil Anlamine.

Par Chérif Alassane Lahi Diop “Sibt Sâhibou Zamâne”,
Analyste politique et économique,
Expert en Commerce et Management des Affaires Internationales,
Secrétaire Général de Vision 129.

Écrit par: soodaan3

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