CHRONIQUES

TRIBUNE DU VENDREDI N°117 : LE BESOIN DE RÉCONCILIATION NATIONALE

today2 juin 2023 206 4

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Le besoin de réconciliation nationale

Le Sénégal est une terre de paix a-t-on coutume de dire. S’il en est ainsi, c’est parce que la religion islamique, qui est une religion de paix, a su, très tôt, s’imposer dans le pays au fil du temps en changeant et en transformant radicalement les mœurs, les habitudes des populations autochtones héritières de la culture ceddo.

Avant la pénétration de l’Islam sur ces contrées de l’ouest-africain, il était de coutume que des rois ou des groupes de guerriers s’attaquent à tout va à d’autres villages, d’autres peuples exposés à cause de leur infériorité sur le plan sécurité pour violer leurs femmes, kidnapper leurs enfants et voler leurs bétails et autres richesses sans aucune représailles. La plupart des jeunes femmes et des enfants kidnappés étaient par la suite réduits à l’esclavage. Toutefois, une fois que le christianisme et l’Islam se sont suffisamment imposées, ces pratiques (razzias, etc.) fondamentalement contraires aux enseignements du prophète Mouhamed (asws) se sont atténuées et ont fini par disparaitre complètement notamment avec l’avènement de la république.

Pour cultiver cette paix, ces religions révélées (l’Islam et le christianisme) ont fixé un ensemble de règles de conduite formant la sharia qui, une fois respecté, induit nécessairement l’entente et la cohésion au sein des populations tout en assurant la sécurité pour tous. Elles prévoient une peine pour toutes les transgressions. À titre d’exemple, dans l’Islam, la peine prévue pour le voleur est de se voir couper la main. En ce qui concerne la personne coupable de relation sexuelle en dehors du mariage légal (fornication), il est prévu une peine de 100 coups de fouet en public en vertu du verset suivant : « La fornicatrice [az-zâniya] et le fornicateur [az-zâniy], flagellez-les chacun de cent coup de fouet. Et ne soyez point pris de pitié pour eux dans l’exécution de la Loi d’Allah – si vous croyez en Allah et au Jour dernier. Et qu’un groupe de croyants assiste à leur punition ». (S24, 2)

Pour péché d’adultère, la peine prévue par l’ensemble des jurisconsultes sur la base de la tradition prophétique est la mort par lapidation. Toutefois cette deuxième peine encore plus sévère nécessite que certaines conditions très précises soient réunies pour établir le délit d’adultère. Il faut quatre témoins oculaires venus d’horizons divers ; aucun d’entre eux ne doit avoir appelé l’autre pour faire le constat ; on ne doit exprimer aucun acte de coercition pour pousser le coupable à avouer son crime.

À ce niveau on peut remarquer combien il est difficile d’établir le délit d’adultère. S’il en est ainsi, c’est parce que le Créateur semble accorder une importance capitale à la réputation des individus en ce sens qu’IL connait mieux que quiconque combien la calomnie et la diffamation peuvent entacher l’honneur d’autrui et détruire à jamais sa réputation. C’est pourquoi, comme pour dissuader les calomniateurs, Il prévoit même une sanction spéciale à toute personne qui accusera d’adultère une autre sans réunir toutes les conditions précitées.

À ce propos pas moins de 80 coups de fouets sont prévus en guise de peine. À titre d’exemple, si 3 personnes ayant été témoins d’un acte d’adultère commis par deux autres, elles n’ont pas le droit d’en parler tant qu’un quatrième témoin ayant assisté en même temps à la scène ne se déclare. Au cas échéant la sentence de lapidation est exécutée ; tandis qu’au cas contraire chacun des trois reçoit sa « récompense » de 80 coups de fouets. En cela la religion islamique semble plus sage que les lois établies par nos semblables humains.

Or, il y a deux ans environ, une histoire de viol présumé impliquant une jeune fille du nom de Adji Sarr et l’homme politique très adulé par la jeunesse sénégalaise du nom de Ousmane Sonko a pollué l’atmosphère de paix régnante et la quiétude des populations tous bords confondus. En effet, cette affaire a entrainé de grosses pertes tant humaines que matérielles. Le bilan des pertes humaines est de 17 morts dont des civils et des éléments des forces de l’ordre, sans oublier les nombreux blessés de part et d’autre.

Par rapport aux dégâts matériels, ils n’ont pu être clairement quantifiés, mais ont été le résultat d’attaques, de destructions et de pillages de biens appartenant à des sociétés étrangères et principalement françaises (magasins Auchan, autoroute à péage exploitée par EIFFAGE, stations Shell, stations TOTAL, agence CBAO, SGBS, SEN’EAU, etc.) Des biens publics (bus de transport en commun appartenant à la société DDD, etc.) de même que privés notamment les maisons et voitures appartenant à des membres ou sympathisants du régime en place n’ont pas été épargnés.

En termes de finances, les dégâts pourraient se chiffrer depuis le début de cette affaire en prenant en compte le coût des embouteillages et des congés forcés qu’elle a engendré à chaque émeute, à plusieurs milliards de nos pauvres francs. Pourtant, en dépit de toute prise de position, nous pensons quand même que cette affaire aurait pu être mieux gérée qu’elle ne l’a été. Et peut-être aurions-nous pu éviter tout ce chaos et toutes ces pertes.

A l’origine, il faut le rappeler, il était question de viol présumé dans cette affaire. Mais après une plaidoirie assez véhémente, le jour du procès, le maitre des poursuites qui, dans un premier temps avait demandé 10 ans de réclusion criminelle à l’encontre de Ousmane Sonko, avait finalement proposé une peine alternative montrant par la même occasion qu’il n’était lui-même pas convaincu de l’existence de charges pour confirmer le viol. Il avait alors, tout bonnement, demandé au juge, à la surprise générale et au cas où sa première requête n’était pas validée par celui-ci, de condamner Ousmane Sonko pour le motif de « corruption de la jeunesse ». Et nous avions tous vu l’avocat de la partie civile, maitre El Hadj Diouf tout confus, qui admettait ne rien comprendre de la démarche du procureur. C’est à se demander si le mot d’ordre n’était-il pas, tout au début de ce procès, de tout faire pour faire condamner l’opposant Ousmane Sonko, candidat déclaré aux prochaines élections présidentielles de 2024 et le mieux placer pour détrôner le président Macky Sall afin de le disqualifier.

Et comme nombre de gens s’y attendaient depuis le début, hier, premier juin 2023, le verdict rendu par le juge a finalement disqualifié les délits de viol et de menaces de mort mais a pris le soin de condamner le prévenu jugé par contumace à une peine de 2 ans ferme pour « corruption de la jeunesse ».

Avec un tel verdict qui tombe comme un couperet sur la tête du célèbre opposant Ousmane Sonko que d’aucuns considèrent comme le chef naturel de l’opposition, il est, hélas, d’office disqualifié pour la course à la prochaine élection présidentielle de 2024 à quelques mois des échéances. Cet état de fait a conduit une grande partie de la jeunesse à juger que cette condamnation n’a qu’un seul but : éliminer un candidat trop gênant (Ousmane Sonko, en l’occurrence) car trop populaire au gout de la coalition au pouvoir. Et pour exprimer sa colère, la jeunesse a lancé l’opération résistance consistant à tout bruler, tout détruire sur son passage pour paralyser la bonne marche du pays.

Ce matin on parle déjà de près d’une dizaine d’autres morts entre hier et aujourd’hui, sans oublier les nombreuses pertes matérielles encore répertoriées. N’y avait-il pas une autre façon plus sage, plus conciliateur pour gérer cette affaire dès lors qu’il n’y a jamais eu de preuves tangibles pour qualifier le viol ? Était-il nécessaire de l’enrôler aussi précipitamment en Chambre Criminelle ? Voici de nombreuses questions qui nous poussent à étudier le traitement qu’aurait appliqué l’enseignement islamique pour gérer une telle affaire. Aujourd’hui, il est clair que ce pays a besoin d’une RECONCILIATION NATIONALE pour stabiliser les choses.

Déjà, à la veille de ce délibéré, le président de la République, conscient des nombreuses tensions sociales qui couvaient dans le pays a lancé le Dialogue Nationale. Si l’initiative est salutaire dans le principe aussi, force est de reconnaitre que la forme a été bâclée, précipitée et finalement trop biaisée dès le début pour produire un quelconque résultat positif. Comment initier un tel dialogue sans y impliquer davantage la jeunesse qui est l’espoir et le futur de cette nation ? Un dialogue sans la présence de Ousmane Sonko et Karim Wade l’exilé politique serait-il pertinent, productif ?

Tout ce que nous avons vu, au cours de ce dialogue, ce sont de vieux intervenants trop zélés (politiciens en quête de réhabilitation, « marabouts » laudateurs et autres guides traditionnels n’ayant jamais eu le courage de défendre les intérêts du peuple lébou face aux différentes agressions dont il a fait l’objet depuis les indépendances), qui ont tous de tout temps été tour à tour à la solde des différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays. Leurs différents propos tous aussi dithyrambiques confortant le Président Macky dans sa position avant dialogue aller jusqu’à l’inciter honteusement à mater sa jeunesse et ses opposants a fini de montrer que ces gens-là ne sont en rien intéressés par l’unité et la paix nationales.

L’un d’entre eux a même osé dire, au cours de ce dialogue et devant le Président de la République que dans d’autres pays Ousmane Sonko (même s’il ne l’a pas nommé clairement) aurait dû être bombardé. Ces gens-là pouvaient-il sincèrement représenter les intérêts de la jeunesse ? N’ont-ils pas tout simplement sauté sur une occasion juteuse pour tresser des lauriers à un bienfaiteur trop généreux à leur endroit quitte à ignorer exprès les problèmes de l’heure (le chômage, l’inflation, les nombreux emprisonnements, entre autres) ?

« Kula ëmbël sa sanxal, ëmbël lë sa kersa » disait le troisième Khalif des Ahloulahi El Hadji Seydina Issa Lahi pour dire qu’« on n’osera jamais ramer à contresens de la volonté de celui/celle qui nous pourvoit notre subsistance ».

Aujourd’hui le peuple sénégalais a besoin de la réconciliation nationale. Et cette dernière doit forcément passer par un dialogue national bien muri, réunissant d’abord les garants de la stabilité sociale à savoir les guides religieux et pas forcément les « héritiers religieux » [il y a, en effet, une grande nuance entre les deux termes]. C’était aux guides religieux très soucieux de la stabilité du pays qu’aurait dû être confiée la mission d’arrondir au préalable les angles entre l’opposition, la société civile et les tenants du pouvoir. Le président peut dans sa clairvoyance en tant que père de la nation proposer le dialogue. Mais force est de reconnaitre que ce n’est pas à lui d’en fixer les conditions s’il veut vraiment la paix et la stabilité.

Au contraire, c’est à toutes les parties prenantes d’en définir ensemble les termes sous l’arbitrage d’un tiers neutre (les khalifs généraux ou leurs représentants nommés en ce sens et l’église) si nous voulons vraiment un dialogue dit « national ». Si le pays s’embrase, nul se sera épargné. Et rien n’y personne ne peut freiner la volonté et les ardeurs d’un peuple déçu, sans espoir, affamé, inoccupé professionnellement et en furie. La seule volonté de ce peuple est de voir :

  • Tous les candidats déclarés (y compris Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Karim Wade) prendre part aux élections présidentielles de 2024 ;
  • Les détenus dits « politiques » être libérés ;
  • L’installation d’un climat de confiance dans l’organisation d’élections garantissant la transparence et l’égalité des chances à tous les candidats
  • La non-participation du président Macky Sall pour briguer un autre mandat que la quasi-totalité de l’opposition juge comme étant sa troisième candidature
  • Et enfin l’amélioration des conditions de vie des populations.

Or, ce verdict qui élimine le candidat Sonko risque d’être un poil dans la soupe de ce dialogue national qui n’aura plus aucun sens réel.

Nous en appelons alors au bon sens de son excellence M. Macky Sall qui est le Père de la Nation, le Gardien de la Constitution, le Chef Supérieur de la Magistrature et le Chef Supérieur des Forces Armées à écouter son peuple, ce peuple qui l’avait préféré à mille autres en 2012 en le portant à la tête du pays et qui lui avait encore fait confiance en lui donnant un deuxième mandat en 2019 au détriment de Ousmane Sonko et de Idrissa Seck.

Qu’il n’écoute pas ces voix du chaos qui ne sont mues que par leurs intérêts crypto-personnelles et n’ont jamais rendu de service visible à la nation sénégalaise. A la différence de ces derniers, lui, M. Macky Sall a servi son pays et a un bilan encore meilleur que celui de tous ces prédécesseurs. Qu’il accepte donc de marquer l’histoire encore en concluant en beauté ses grandes réalisations par une sortie par la grande porte. Aux guides religieux de ce pays nous les prions de jouer la médiation pendant qu’il est encore temps et de prier pour que la paix revienne sur cette terre de paix. A Ousmane Sonko nous lui demandons d’accepter de s’asseoir à la table des négociations dès que les conditions d’un dialogue aux dés non pipés seront établies.

Que la Paix soit sur le peuple sénégalais par la grâce de notre maitre Seydina Limamou Lahi Al Moukhtar wa Seydil Anlamine (asws).

Par Chérif Alassane Lahi Diop “Sibt Sâhibou Zamâne”,
Analyste politique et économique,
Expert en Commerce et Management des Affaires Internationales,
Secrétaire Général de Vision 129.

Écrit par: soodaan3

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