CHRONIQUES

TRIBUNE DU VENDREDI N°56 : Les Péchés de langue

today26 novembre 2021 47

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LA CALOMNIE, LA DIFFAMATION ET LA MÉDISANCE EN ISLAM

La médisance (jëw en wolof) et la calomnie (tuumë) sont parmi les fléaux les plus dévastateurs de notre époque. Or, ces deux maux semblent être très banalisés voire vivement encouragés et finalement très bien ancrés dans ce pays et dans tous les domaines.

Concernant, la médisance, Muslim mentionne dans son Sahih ce hadith rapporté par Abu Hureyra où le prophète lui-même (asws) nous en donne la signification en ces termes :

« [c’est le fait] Que tu mentionnes ton frère par quelque chose qu’il déteste. »

Autrement dit, c’est le fait de parler de son prochain en son absence en mentionnant à son propos un défaut qui se rapporte à son physique, à sa lignée, à son comportement, à sa situation, à ses biens, etc. et qu’il n’aimerait pas qu’on rende public.

Par la suite un parmi les fidèles avait interrogé le prophète en ces termes :

« Vois-tu, si ce je que je dis à propos de mon frère est vrai ? »

À partir de là, le messager d’Allah en profita même pour donner la différence entre la calomnie et la médisance :

« Si ce que tu as dit est vrai à propos de ton frère, tu auras commis sa médisance et si ce n’est pas vrai, tu auras commis sa calomnie. »

La calomnie du point de vue de l’Islam, c’est donc le fait que tu mentionnes une contrevérité à l’endroit de ton prochain, des propos malveillants qu’il détesterait qu’on dise de lui.

L’on puit comprendre aisément que le péché de la calomnie est de loin plus grave que le péché de la médisance, à cause du mensonge sur lequel il se fonde. Le Coran nous interpelle à propos de la médisance :

« Ô vous qui êtes croyants, gardez-vous de faire beaucoup de conjectures (« njorta » en wolof), il y a des conjectures qui sont des péchés. Ne vous espionnez pas et ne faites pas la médisance les uns des autres ; aimeriez-vous que l’un d’entre vous consomme la chair de son frère mort ? Vous ne l’aimez pas. Faites preuve de piété à l’égard de Allāh, certes Allāh est Celui Qui accepte le repentir, Qui est miséricordieux. » [Al-Hujurat, 12]

Aujourd’hui, la calomnie et la médisance sont devenues très lucratives pour les médias surtout la presse à scandale car elles attirent plus de clientèles. C’est pourquoi la plupart des médias participent pleinement et sans coup férir à la vulgarisation à grande échelle de telles bassesses (informations compromettantes) pour mieux tirer profit du malheur des autres. Pour détruire un concurrent, ou un opposant ou un ennemi par exemple, on peut facilement le faire accuser de viol, ou de détournement, ou d’être un trafiquant de drogue, ou tout simplement d’adultère. Pourtant, concernant l’adultère, les conditions fixées par l’Islam pour le dénoncer sont tellement difficiles à réunir qu’oser accuser son prochain d’un tel crime sans preuve est plus grave encore.

En effet, le crime adultérin doit être prouvé de deux façons du point de vue de l’islam :

-Par un aveu, une déclaration claire de la part de l’homme adultère. Toutefois, s’il fait volte-face avant l’application du châtiment, alors la première déclaration est annulée ;

– Par le témoignage de quatre témoins, s’il n’y a pas d’aveu comme le recommande ce verset :

« Celles de vos femmes qui forniquent, faites témoigner à leur encontre quatre d’entre vous » (coran 4, 15).

Ces quatre témoins doivent impérativement être des musulmans, justes, sains d’esprit. Le témoignage des femmes n’est pas accepté, ni celui de l’enfant, ni du fou, ni du déséquilibré, ni du mécréant, ni du débauché. Les témoins doivent témoigner, par-devant Allah, et déclarer clairement avoir constaté visuellement que l’organe de l’homme a pénétré l’organe génital de la femme, « comme la brosse dans une boîte de khôl ou le seau dans un puits ». Et aucun des témoins ne doit appeler les autres pour qu’ils viennent constater le crime. Par contre, si une des conditions fait défaut alors l’accusateur ou les accusateurs devront recevoir un châtiment eu égard à ce verset :

« Et ceux qui lancent des accusations contre des femmes chastes sans produire par la suite quatre témoins, fouettez-les de quatre-vingts coups de fouet, et n’acceptez plus jamais leur témoignage. Et ceux-là sont les pervers » (coran 24 ;4)

Par ailleurs, plusieurs fois des personnes encore moins délicates sont allées jusqu’à accuser leur prochain d’être un « dëm » anthropophage et mangeur d’âmes. Or, une telle accusation ne touche pas uniquement la personne concernée ; elle affectera aussi son ascendance et sa descendance ainsi que les personnes avec qui il partage un lien familial [surtout du côté maternel car selon une croyance très populaire cette malédiction se transmet à travers le lait maternel]. Finalement c’est tout un clan qui se retrouve pénalisé, atteint dans son honneur et dans sa liberté. Il s’y ajoute le fait que dès qu’on est accusé d’un tel mal, sa vie et celle de ses proches basculent et sont fichues à jamais même si plus tard on est lavé à grande eau. Les personnes victimes de telles accusations sont fuies comme la peste ou la covid-19 et auront à jamais du mal à trouver un emploi, une place, ou mariage au sein de la société sénégalaise.

Malheureusement, la calomnie et la médisance ont même fini par atteindre des niveaux insoupçonnés au sein de la sphère politico-religieuse de notre pays. Ainsi, la plupart des détenteurs du pouvoir (qu’il soit religieux ou temporel) disposent, au sein de leurs cours, de leurs propres canaux de renseignement très fluctueux et très bien entretenu par sa propre horde « d’informateurs » chargés de rapporter sans foi ni vergogne des tout un flot d’informations malveillantes et propos d’autrui d’une part et de colporter des ragots pour entacher la réputation d’honnêtes gens d’autre part.

Ce qui est dommage dans cet état de fait, c’est que ces « informateurs de l’ombre » sont dans leur grande majorité des parias et des personnes de mœurs légères ; des gens qui, dans une société normale, consciente et non-corrompue n’auraient jamais eu droit à la parole. S’il en est ainsi, c’est parce que dans ce pays on aime beaucoup citer le prophète (asws) ; on aime aussi beaucoup lire le Coran, l’enseigner, le convoquer à tout bout de champ sans pour autant l’appliquer sur soi-même ou mettre ses recommandations en pratique. Pourtant, Allah attirait déjà notre attention sur la gravité du péché né du fait de nuire aux musulmans et de s’attaquer à leur honneur en les accusant à tort sans preuve :

« Et ceux qui offensent les croyants et les croyantes sans qu’ils l’aient mérité, se chargent d’une calomnie et d’un péché évident » (Al Ahzab, 58).

(À suivre…)

Par Chérif Alassane Lahi Diop « Sibt Sâhibou Zamâne »,
Analyste politique et économique,
Expert en Commerce et Management des Affaires Internationales,
Secrétaire Général de Vision 129.

Écrit par: soodaan3

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