CHRONIQUES

TRIBUNE DU VENDREDI N°114 : La « Korité d’adieu » du Saint-Maître Seydina Limamou Lahi (ASWS) en 1909

today21 avril 2023 127 2

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La « Korité d’adieu » du Saint-Maître Seydina Limamou Lahi (ASWS) en 1909

A l’image du «ḥajjat al-wadâ’ » (ou « pèlerinage d’Adieu ») du prophète Mouhamad (asws) au cours de sa mission en Arabie en 632, le saint-maitre Seydina Limamou Lahi (asws) a présidé la dernière prière de l’Eid el Fitr (Korité) pour faire ses adieux à sa communauté en 1909. Dans cette tribune nous proposons de faire un voyage pour revivre quelques faits majeurs ayant eu lieu au cours de cette « Korité d’Adieu ».

Au milieu du mois de ramadan de l’an 1327 (1909), le Saint-Maître sentant sa fin assez proche, après 26 ans de mission, chargea ses scribes dont Serigne Makhtar Lo de rédiger des correspondances destinées à tous les coins du pays où vivaient ses fidèles afin de les inviter à venir tous avec leurs familles respectives prendre part à la prière de Korité. Et malgré le poids de la maladie qui l’avait gagné depuis quelque temps et qui s’accentuait de jours en jours – d’ailleurs avait-il jamais pu vivre un seul moment de répit au cours de sa vie sans sentir aucune peine, aucune douleur ? – il décida de prendre part à la prière de Korité, celle qui allait être la dernière qu’il présiderait au cours de sa vie terrestre. Et les fidèles tous prompts à répondre à l’invite de leur guide composèrent :

Kaay leen ci julli gi

Kaay leen nu julli ji

Baay Laay a wooté

Laa ilaa ilaalah

Le matin de la korité tant attendue, de très bonne heure, il porta ses plus beaux habits de couleur blanche et arbora ses deux turbans blanc et noir ; symboles de ses deux missions (chez les arabes, puis auprès du peuple noir). Sous le poids de la maladie le Saint-Maître (asws) se déplaçait difficilement pour rejoindre le lieu de prière au bord de l’Océan Atlantique. À l’époque son fils aîné et futur successeur Seydina Issa Rohoulahi (as) était absent des lieux car parti en exil depuis 3 ans sur ordre de son illustre père.

Pour regagner le lieu de prière, le Saint-Maître dut s’appuyer sur les épaules de son fils Seydina Mandione Lahi et de son fidèle disciple Cheikh Makhtar Lô pour garder l’équilibre en quittant son domicile. Dans une autre version l’on rapporte que c’est plutôt Seydina Mandione Lahi et un autre disciple du nom de Abdoulaye Diouf qui l’ont soutenu. Quoi qu’il en soit, le Cheikh Makhtar rapporte dans son ouvrage biographique intitulé « Bushral Muhibbîna wa tayqîzul Jâhilîna » qu’une fois sorti de son domicile, le Saint-Maître (asws) s’arrêta un instant à cause de l’intensité de la douleur et déclara devant la foule de fidèles venus l’accompagner :

 « Si l’on vous disait qu’un mort peut diriger une prière, cela paraîtrait étonnant, [mais] je le jure par Dieu, je suis un mort ». La raison à cette déclaration est que quelques trois ans auparavant, le Saint-Maître (asws) âgé de 63 ans (âge qu’avait le prophète Mouhamad au moment de quitter ce monde) a eu une vision prémonitoire. Et dans cette vision Allah lui montrait un grand caïlcédrat qui, après s’être déraciné, s’est renversé sur le pays du couchant (à l’ouest). En tant que prophète – l’un des premiers dons qu’Allah accorde à ses envoyés est la faculté d’interpréter les rêves – Seydina Limamou Lahi (asws) en conclut l’annonce de son décès imminent.

À l’époque son fils ainé et futur successeur Seydina Issa Rohoulahi venait de boucler trente (30) ans. Or, il était prédit que quand Issa (as) succéderait à l’Imam Al Mahdi, il devrait avoir le même âge de 33 ans auquel Allah l’avait élevé auprès de Lui, au cours de sa première mission. Seydina Limamou venait d’arriver au terme de sa vie à 63 ans comme dans sa première mission mais ne pouvait s’en aller car il manquait encore 3 ans à son dauphin Seydina Issa (as) pour atteindre la maturité spirituelle qui ferait de lui le vicaire du Mahdi. C’est pourquoi Seydina Limamou Lahi (asws) appela son fidèle disciple Serigne Mamour Diakhaté de Ngakham. Il lui donna son chapelet dont les perles étaient faites à partir de noyaux de dattes et lui demanda de prier Allah afin qu’Il lui accordât trois ans supplémentaires en attendant que Seydina Issa atteignît les 33 ans prédites par les livres pour lui succéder. Toutefois dès que Serigne Mamour prononça « Bismilahi Barké Ndjine (un des surnoms du Saint-Maître) » et avant même de formuler sa prière, Seydina Limamou Lahi (asws) lui demanda d’arrêter car Allah avait déjà accepté sa requête.

Le célèbre biographe rapporte que le Saint-Maître (asws) s’arrêta une deuxième fois mais cette fois-ci à hauteur de la mosquée qu’il avait érigée et répéta encore : « Moi, je suis un mort » (« Anâ janâzatun »). Les fidèles qui l’accompagnaient, soudain gagnés par la tristesse à la suite de ses propos si singuliers du Saint-Maître (asws), ne manquèrent de verser de chaudes larmes. Pour autant, ils ne pensèrent guère que, cette fois-ci, cette maladie allait emporter « Sanga Bi » à jamais. Car, combien de fois avait-il été très malade et s’en était remis miraculeusement par la suite ?

Au beau milieu de ce cortège à la blancheur immaculée, Seydina Limamou Lahi (asws) brillait comme un astre, mieux encore comme un soleil en pleine nuit, sous le rythme des « Lâ ilâha illâ Allah » entonnés en chœur par la foule de fidèles suivant le même air avec lequel on accompagne les défunts parmi les Ahloulahi. Arrivé au lieu de prière, il faillit tomber dans les pommes car complètement essoufflé par les gros efforts qu’il avait courageusement fournis pour atteindre le lieu de prière. Il interrogea Serigne Makhtar : « Makhtar Lô, qu’est-ce que Djibril (l’ange Gabriel) avait dit au Prophète Mohammed, en pareille circonstance ? ». Et ce dernier rapporte dans la biographie du Saint-Maître qu’il ne sut point quoi lui répondre même après qu’il lui répéta trois fois la même question.

Là aussi il faut rappeler que jamais personne n’a su répondre à une question posée par Seydina Limamou quel que fut le niveau d’érudition de la personne à qui il s’adressait. En effet, dès qu’on était en sa présence, on oubliait tout ce qu’on avait appris à moins qu’il nous libérât l’esprit. C’est d’ailleurs ce qui avait retenu plusieurs de ses contemporains qui avaient voulu venir le rencontrer et le confronter. Seydina Limamou Lahi lui avait alors dit : « Ne lui avait-il pas dit : approche-toi de moi ? ». Serigne Makhtar, qui ne savait toujours pas de quoi il parlait, lui répondit quand même par l’affirmative. Le saint-maitre lui fit alors savoir que Djibril était venu le trouver au lieu de prière pour lui apporter les salutations et bénédictions de son Seigneur qui ne manqua pas de lui demander quelles étaient ses préoccupations. Mais Seydina Limamou Lahi, que ni la santé, ni la longévité ni aucune richesse n’intéressait, avait répondit à Djibril que sa seule préoccupation était le sort de son peuple. Et l’archange l’avait alors rassuré en lui faisant savoir que son Seigneur promet la sécurité et le salut à son peuple au jour du Jugement Dernier. Cela lui apporta beaucoup de joie à son cœur.

Après avoir dirigé l’office, il se retourna pour faire face aux fidèles. Son visage était si radieux et l’intensité de la lumière éblouissante émergeant de son beau visage obligea les fidèles à se courber le dos devant lui (asws). Il leur rappela ses différents prêches dont les termes clés sont : craindre Dieu, respecter Ses commandements, éviter Ses interdits, s’aimer mutuellement, ne pas se haïr les uns les autres, se détacher de ce bas-monde, gagner sa vie à la sueur de son front, œuvrer pour la vie future, etc.

Une fois de retour à la maison, il s’assit devant la porte et ordonna à Cheikh Makhtar Lô de relire les sermons qu’il (asws) avait eu à prononcer et qui constituent son legs aux générations futures. Le but étant de vérifier si sa parole avait été bien transcrite telle quelle. Il avait corrigé certains passages et avait précisé sa pensée dans d’autres. On peut toute sa vie promouvoir une idéologie ou s’accorder un rang qu’on n’a pas pour tromper son monde, et revenir sur ses déclarations quand on sent que sa mort est proche. Mais Seydina Limamou (asws) continua jusqu’à la fin de sa vie, en dépit des souffrances liées à la maladie et les nombreuses persécutions qu’il a eu à subir, qu’il est le prophète Mouhammad (asws) revenu dans une seconde mission terrestre.

Une fois après il demanda que quiconque reçoit ne serait-ce qu’une phrase issue de ses sermons la partage avec le reste du monde. Il demanda « Que celui qui a une question à poser me la pose ». Personne n’en posa. Ce jour-là il (asws) demanda aussi que tout fidèle qui nourrissait le vœu de donner un seul franc au prophète au Mohamad (asws) en guise de « hadiya » s’il l’avait rencontré le lui donnât à lui Seydina Limamou (asws) car il en était le destinataire. Il ajouta que si au jour du jugement dernier le donateur voit un Mouhammad autre que lui (Seydina Limamou) qu’il lui réclame ce franc. Si maintenant il ne voit pas de Mouhammad autre que lui (Seydina Limamou) alors il saura qu’il avait bel et bien donné son hadiya à la bonne personne (Seydina Mouhammad) et non à un imposteur.

Serigne Makhtar rapporte que le Saint-Maître avait plusieurs fois auparavant répété la même invite bien avant même le ramadan de cette année-là. Or, nous savons que Seydina Limamou n’avait jamais demandé un seul sou à ses fidèles de toute sa vie. Au contraire, il avait l’habitude de répéter : « gardez pour vous tout ce que vous avez (vos biens et richesses) et venez partagez ce que Allah me donne ! ». Ce qu’il faut comprendre donc est que cela n’était qu’un énième défi ou mieux garantie de la véracité de sa mission prophétique. Le poète Baye Malick Mbaye lui donna quand même « ñeenty dërëmi ngurd » (monnaie de l’époque : le franc-or) en guise de hadiya pour lui prouver sa foi inconditionnelle dans sa mission prophétique.

Ce jour-là aussi Seydina Limamou Lahi (asws), toujours entouré de ses fidèles leur avait demandé que tout fidèle ayant connaissance d’un miracle réalisé par le prophète Mouhammad dans sa première mission et qu’il voulait le voir réaliser le lui demandât. Personne ne lui répondit dans la mesure où pendant toute sa vie, Seydina Limamou Lahi (asws) avait vraiment déjà accompli toutes sortes de miracles qui dépassent de loin le pouvoir même d’autres prophètes qui l’ont précédé. Et la liste de ses « muhjizat » est tellement longue à dérouler ici que Serigne Makhtar Lo écrivait que « essayer de lister les prodiges réalisés par Seydina Limamou Lahi reviendrait à compter le nombre de vagues à la mer ».

Aussi, nous donnons juste l’exemple de l’Océan Atlantique qu’il fit reculer « bi iznil Lâh » – les preuves sont toujours là et continuent de défier le phénomène naturel de l’avancée des océans – là où le prophète Moussa (as) s’était limité à ouvrir et refermer ensuite un passage dans la Mer rouge.

Après cette déclaration Seydina Limamou Lahi (asws) ne sortit plus en public à cause de la maladie. Il ordonna à son disciple Tafsir Abdoulaye Diallo de le remplacer à la mosquée en tant qu’Imam pour diriger les prières quotidiennes. Hélas, treize jours après la prière de Korité, le Saint-Maître Seydina Limamou Lahi, le prophète de la Dernière Heure, quitta ce bas-monde. Ce fut dans la nuit du jeudi 13 au vendredi 14 shawwal après qu’il a vécu 66 ans équivalant au poids mystique de « ALLAH ».

À ce niveau, il convient de se demander pourquoi, Seydina Limamou Lahi (asws) n’avait-il pas envoyé quelqu’un d’autre présider la prière à sa place vu l’intensité de la maladie et toute la difficulté qu’il avait à rallier le lieu de prière. Pourquoi, s’est-il forcé à y aller alors qu’il avait une excuse valable ? pourquoi a-t-il insisté pour que tous les fidèles viennent prendre part à cette prière ? Voici tant de questions qui méritent réflexion.

Les enseignements à en tirer sont nombreux. D’abord, il a voulu insister sur l’importance de la prière de la Korité dans la communauté Ahloulahi et donc nul n’a le droit de la manquer. Ensuite, il a voulu, au terme de sa vie rappeler encore à tous qu’il assume bien les propos qu’il a toujours soutenu pendant ses 26 ans de mission. Autrement dit, il a encore déclaré être bel et bien le prophète Mouhammad (asws). Puis, il a voulu entendre encore Serigne Makhtar Lo relire les sermons devant lui pour éventuellement corriger les erreurs d’interprétation ou de transcription de ses propos en langue arabe (précisons qu’il les avait prononcés dans la langue de sa communauté à savoir le wolof).

Mame Babacar Lahi disait : « Mon père comprenait toutes les langues qui existent ! ». Le but de sa démarche étant qu’une fois qu’il aura fini de faire les corrections que toute l’assistance soit témoin que ce sont bien ses propos qui ont été transcrits dans les manuscrits de Serigne Makhtar et personne n’y ajoute et n’en omet jamais rien.

En considération de tous ces efforts, nous avons l’obligation de faire tout ce qui est possible pour prendre part à la prière de Korité, et aussi pour apprendre ses sermons, les appliquer dans notre vie au quotidien, les partager avec le reste de la oumma. Mais le plus important encore est de ne jamais avoir aucun complexe ni négocier avec qui que cela puisse être la mission prophétique de Seydina Limamou Lahi (asws).

Par Chérif Alassane Lahi Diop « Sibt Sâhibou Zamâne »,
Analyste politique et économique,
Expert en Commerce et Management des Affaires Internationales,
Secrétaire Général de Vision 129.

 

Écrit par: soodaan3

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